L’utilisation de l’eau 

Un des rares éléments réellement indispensables à tous les êtres vivants : l’eau, semble n’avoir jamais été apparente dans notre village : pas de source, pas de rivière. Et pourtant nos ancêtres s’y sont fixés ! Peut-être préféraient-ils la soif au risque d’inondation ?
Bien sûr, il y avait de l’eau de pluie que leur robuste constitution supportait ; bien sûr, ils en conservaient un peu dans des outres ; bien sûr, ayant vite observé que l’eau s’accumulait dans les creux, ils ont certainement aidé la nature en creusant et tapissant de glaise les endroits propices jusqu’à y constituer des mares.
Mais l’eau de pluie était parfois rare et pour trouver de quoi subsister, il leur fallut creuser des puits, assez profonds, car ici l’eau se trouve en abondance, mais à 30, 40, 50 voire à 80 mètres de profondeur.

Alors nos ancêtres ont creusé !

Mais pas n’importe où, car, compte tenu du travail que cela représentait, il valait mieux y réfléchir avant. Avec des pelles et des pioches à manches courts, ils ont creusé des puits, parfaitement cylindriques de 1,40 m ; de diamètre, parfaitement verticaux, jusqu’à trouver la nappe et même un peu plus pour ne pas manquer en cas de sécheresse prolongée ; la terre et la craie étant remontée avec des seaux, au bout d’une corde, à la force des bras.

Puis, au-dessus du trou obtenu, ils ont installé tout un appareillage : un treuil actionné à la main par deux manivelles, sur lequel s’enroulait une corde de tilleul portant un seau à chaque extrémité, un toit qui protégeait le puits des intempéries et une clôture robuste pour éviter toute intrusion accidentelle.

Cette opération a été renouvelée plus de trente fois dans le village pour créer, soit des puits individuels, dans la cour d’une ferme ; soit des puits portant une servitude au bénéfice d’une ou deux maisons voisines ; soit des puits communaux, où chacun puisait selon ses besoins .
Les citernes, dont l’eau était réservée généralement aux seuls animaux, ont été également creusées à la pioche, puis revêtues d’un enduit étanche. Alimentées par la récupération des eaux de pluie (gouttières ou ruissellement de la cour), elles contenaient environ une trentaine de mètres cubes et ont été équipées, dès que les connaissances techniques l’ont permis, de pompes manuelles à balancier. Elles n’excédaient donc jamais 7 mètres de profondeur.
Ce réseau de puits, de mares et de citernes, soigneusement surveillés et entretenus, a suffi, pendant des siècles, mais au prix de gros efforts physiques, à couvrir les besoins des humains, des animaux domestiques et des plantations et, aussi, à lutter contre les incendies qui, dans un monde où la paille et le bois étaient des matériaux courants, faisaient très souvent rage. (voir : Les pompiers).
Cette nécessité de couvrir les besoins en eau en constante augmentation a très tôt incité les élus locaux à se préoccuper de mettre en place un système de pompage, de stockage et un réseau de distribution d’eau potable.
Les premières réflexions officielles ont débuté en décembre 1931, ce qui témoigne d’un avant-gardisme assez remarquable pour une si modeste commune. Il a fallu près de quarante cinq réunions officielles (et sûrement le double de conciliabules de tout genre) et dix huit ans pour vaincre les réticences, trouver les financements et réaliser les travaux.
Car l’enthousiasme du début avait quelque peu molli devant les arcanes de l’administration et les obstacles locaux ; puis, la guerre est arrivée, raréfiant les matériaux et augmentant singulièrement les coûts puisque, d’un devis initial de 517.000 F. en 1939, on est passé à une réalisation d’environ 2.170.000 F. en 1947. Il est vrai que l’inflation et les dévaluations étaient passées par là, mais il y a gros à parier que les responsables municipaux qui ont dû faire face au règlement des dépenses ont trouvé la pilule un peu amère et pensé qu’un peu plus de dynamisme et de bonne volonté, de la part de tous les partenaires auraient évité de bien désagréables surprises.

Mais, finalement, quelle satisfaction de ne plus devoir tirer tous les jours, à la citerne ou au puits, l’eau nécessaire aux besoins domestiques ; et de ne plus avoir à entretenir les enchâtres les cordes et les seaux.
Maintenant on installe les éléments dits de confort : douches, baignoires, machines à laver etc. impensables sans le travail de nos anciens ; l’habitude aidant, ce progrès incontestable a fait perdre de vue que cette eau à la même provenance que celle d’hier (puisque la nappe qui alimentait les multiples puits individuels alimente désormais la station de pompage communale), qu’il ne faut pas la gaspiller et qu’il faut aussi la protéger de la même manière, pour éviter tout risque de pollution, en fermant solidement tous les accès aux anciens puits que nos ancêtres ont eu tant de mal à ouvrir !